Ne dites pas à ma mère que je pionce à Beaucaire
Lettre ouverte à Monsieur le maire et
aux candidats à la maison commune.
Mesdames et Messieurs les candidats, cette épitre n'est pas à l'instar d'un soufflet évangélique. Merci d'en tenir compte.
Je viens de la sorte vous rappeler modestement une situation immonde qui m'inspire une profonde indignation. Elle résulte de mon investissement total dans le projet « Cité des livres » initié par la municipalité à laquelle a succédé l'actuelle.
La librairie MOTIF que j'ai dirigée a ouvert ses portes en décembre deux mille sept.
L'indifférence manifeste de l'équipe municipale à l'endroit du concept « Cité des livres »-qui a fait ses preuves partout dans le monde- relève d'une réelle intention de saboter le principe.
Cette désinvolture amplifia mes inquiétudes et accrut mes craintes. Ce qui me conduisit naturellement à faire appel à l'attention particulière de Monsieur Jacques Bourbousson, prévôt de la commune de Beaucaire. Première alerte. Plusieurs lettres et entretiens , dont un en présence de membres de la communauté scientifique beaucairoise, n'ont pas eu raison de la surdité de l'équipe municipale. Si bien que les impayés de loyer et des charges ont atteint une dimension considérable. Etouffante.
Aux assauts de la maréchaussée succéda le tribunal qui décida après délibérations d'une faveur juste à mon endroit, car j'ai réclamé au juge la récupération des objets particulièrement personnels et précieusement indispensables à mon éventuelle survie. Le juge accéda à ma doléance.
Lors d'une séance du Conseil municipal, un des rares élus clairvoyants rappela à l'assemblée cette généreuse décision. Vous l'avez oui-ouisé !
Tout le stock de livres, des œuvres d'art, du matériel personnel…mes manuscrits destinés à la publication, mes œuvres photographiques…tout fut embarqué par les services municipaux. Dans l'indifférence générale. La férocité fit fi de la décision du tribunal, ce qui me plongea dans l'abîme.
Je me retrouve nu et squelettique comme le DRAC actuel. Monsieur le maire – qui a détruit une œuvre artistique inoffensive après avoir empêché de parler un célèbre écrivain et journaliste – n'a pas fait grand cas de ma détresse malgré les promesses qu'il m'a prodigué verbalement.
Je considère que le premier magistrat a commis une maladresse autrement plus grave que le mauvais payeur que je suis, en ordonnant
Une mise en danger de la vie d'autrui
Et
Une non assistance à personne en danger
Affaibli au point d'ignorer et de haïr ma propre personne, je pensai au suicide. Quand, un couple beaucairois- salutaire-me protégea et m'a dédié sa générosité, m'empêchant ainsi de faire l'holocauste immérité de la maison commune de Beaucaire
Mesdames et Messieurs les candidats, je vous soumets cette épitre afin d'éviter désormais le renouvellement de ce cas si funeste.
A Monsieur le maire qui m'a oui-ouisé j'adresse ce qui suit :
Vous m'endouchates de « oui-oui-oui Monsieur Agbani » pour me livrer définitivement à vos scuds administratifs et élus qui me bazookèrent affreusement. Ce qui me précipita dans un long et profond voyage au bout du putride.
Sans ami, sans fric, seul dans ma chacunière où je felouquais, des cailloux dans le ventre et des larmes plein les poches. Même pas de quoi couscousser. Pas un(e) beaucairois ne frappa à ma porte.
Pourtant. Moins célèbre que vous, mais relativement apprécié par des beaucairois grâce à ma visibilité sociale, intellectuelle et culturelle, j'ai su associer à mes initiatives, enfants, adultes, des artistes, des commerçants. Voire des bulbuleurs. Pas la moindre empathie. Silence.
C'est ce que j'appelle -avec votre permission- l'embourboussonnade du Gard :
L' « humaniste » prévôt a failli occire un mecton comme moi. Naturellement indocile. Trente mille trois cents silences qui sourdent. Ce qui me rappela le cas Jean H.M.Servat.
Hélas pour moi, la mairie de Beaucaire n'est pas une montre suisse, mais une horloge en retard.
Je me tais. Beaucaire n'est pas l'île des caresses.
J'ai soixante plumes, sujet du sultan du Maroc, j'ai guibolé toute ma vie, jamais un affront aussi affreux ne me visa. Et vous Monsieur l'humaniste barbare, avez jeté mon innocence dans la précarité et le dénuement qui m'auraient poussé à l'acte fatal.
Et si d'aventure, Monsieur le maire, vous rencontrez ma mère, ne lui dites pas que je pionce à Beaucaire. Car Beaucaire m'a « tuéééééé ».
Nez en moins, je vous pardonne sans contrepartie, car j'abhorre la pitié et les restes.
c
Ahmed Agbani est docteur es lettres, ingénieur culturel, écrivain, poète vagabond, éditeur, marchand de livres anciens et d'occasion. Il vit actuellement dans un appartement au loyer impayé et a découvert le charme et la joie que procurent les colis alimentaires.
Créateur et Président de l'association Beaucaire Cité des livres et des arts graphiques.
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