BEAUCAIRE TURLURE

LE SOURIRE DE L'OEIL OU LA MALEDICTION DU DRAGON

Photo0158.jpg                         Photo0129.jpg

" Ainsi de mon roc qui domine,
je  vois "parabin parabas"
Remuer tous les gens d'en bas
 
Jean Michel de NISMES. Poète drapier (1657)
 
 
JEAN M NISMES 2.jpg
 
 ************************************************

Jack THIEULOY. Ecrivain voyageur(1931-1996) Prix anti-Goncourt, 1976.

 

         " On dit que la foire de Beaucaire est morte. C'est plus grave. Ce n'est pas la mort d'une chose qu'il faut déplorer, mais celle d'un esprit. En ces siècles réputés inférieurs aux siècles modernes, Beaucaire ne connaissait ni xénophobie, ni racisme, ni cette haine toujours vivace pour les Arabes et autres musulmans. Il serait curieux de rechercher si la foire de Beaucaire n'est pas une invention de la civilisation arabe, la volonté de l'Islam d'épouser sa cousine ennemie, la Chrétienté. Charles Martel, le chasseur de turbans, et Jeanne d'Arc, cette briseuse de théières anglaises au service du lobby des viticulteurs du nord de la Loire, ont-ils bien travaillé pour la France, notre petite mère de l'internationalisme de l'esprit? Il fallait entendre, pendant les foires de Beaucaire, les flûtes et derboukas romantiques des poètes arabes, mêlées au rythme des moulins  à vent de la montagnette

                                                                               :THIEU.jpg

       "Beaucaire, ton fleuve coule comme la barbe du prophète. Des gazelles aux boucles d'aromates gambadent dans tes rues. Les zéphyrs sur ton sein font naître les soupirs d'amour. J'ai couru le monde, mais je n'ai rien vu de tel que Beaucaire et ses filles. Je meurs sur ta rive, mais ton vin, pur comme le musc, me ressuscite. Tes enfants à la peau blanche, tes pucelles aux seins neufs sont mon aurore et mon tourment. Ô divine houri de miel, je renoncerai au monde, afin de coucher mon désir sur le rose de tes joues. Je mets les pieds sur ta terre et mille cigales grimpent dans mes jambes enchantées. Plus je t'approche, plus tu embellis. Ta robe flottante est nénuphar et je te mange des yeux. Je te ferai princesse et je te bâtirai un palais de jasmin et de benjoin. Rien ne me désaltère que ton visage et hors de ta vue, mes cheveux blanchissent...Page, viens à mon secours sur ma nacelle de larmes! Qu'Allahou Akbar, Beaucaire, fasse éclore cent mille petits Beaucairois et cent petites Beaucairoises dans ton berceau!"

       C'était Habib El Mahboul, l'élégiaque persan, qui chantait les plus beaux vers. Il se disait amoureux de toute la jeunesse beaucairoise, à qui il faisait fumer du chanvre indien en l'appelant épice, pébron, girofle, cardamone, cucurma, gingembre, safran, paprika de Hongrie, vanilles de Jupes Soulevantes. Les drôlasses et les chattounes en perdaient la boule. Ils  en salaient les confitures et dénoyautaient les billes de pierre cuite. Ô les petits métisses beaucairois, neuf mois après la clôture de la foire, en ces siècles où la chtouille était plus oecuménique que les registres d'état civil! Ces ancêtres beaucairois, savoir s'ils ne m'ont pas seringué quelques gouttes de sang de vielleux napolitain ou de flibustier de la marine afghane? ] "

(SGDL, PARIS)


 


09/07/2015
1 Poster un commentaire
Ces blogs de Littérature & Poésie pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 9 autres membres